dimarts, 30 de novembre del 2010

Hubert Aquin: Prochain épisode (I)

La volonté de modernisation d’Hubert Aquin ne se donne pas seulement sur le plan thématique mais aussi sur la forme. Ces deux éléments peuvent laisser voir la critique un côté de la personnalité aquinienne et, dans ce sens, la façon dont on trouve l’imbrication du « moi » de l’auteur dans son œuvre romanesque.

Il est donc obligatoire d’établir un rapport entre Hubert Aquin, le narrateur et le protagoniste de Prochain épisode pour pouvoir ainsi parler d’« espace autobiographique ». La relation entre ces trois entités narratives ne se présente pas de manière claire : ce sera plutôt le lecteur qui doit établir un pacte de lecture, voire un lien entre eux. Selon les données biographiques sur Hubert Aquin, on sait que le roman Prochain épisode a été écrit pendant son emprisonnement. De la même façon, le narrateur du roman reconnaît qu’il écrit un roman policier pour faire passer son temps à l’institut psychiatrique où il est renfermé. Le protagoniste de ce roman policier, à son tour, sera arrêté par la police. La distance établie entre ces trois agents narratifs, créée à travers la confusion entre les plans diégétique et métadiégetique dans le récit, peut se voir résolue dans le fait que les trois ont participé d’un fait semblable qui les a envoyés en prison. Les ressemblances, donc, entre auteur et narrateur restent alors évidentes. Celles qui existantent entre narrateur et personnage sont, à son tour, moins complexes du fait qu’il n’y a pas de division entre ces deux instances narratives. Le narrateur, à travers des analepses, récrée son vécu : « [e]ncastré dans les murs de l’Institut et muni d’un dossier de terroriste à phases maniaco-spectrales, je cède au vertige d’écrire mes mémoires […] ».

La période de la Révolution tranquille implique un bouleversement politique pour le Québec et pour le Canada. Ce changement, la montée du nationalisme et l’éclat du terrorisme font un encadrement idéal pour un roman policier.

Le roman d’espionnage se trouve ainsi inséré dans ce contexte sociopolitique. La lutte entre le Québec et le Canada est personnifiée dans une lutte entre l’agent révolutionnaire (le protagoniste) et un agent contrerévolutionnaire associé à la GRC (H. de Heutz). À travers une mise en abyme, le récit sera un reflet de la vie du narrateur et de la vie de l’auteur. En plus du récit d’espionnage, où le protagoniste devient un narrateur intradiégétique, dans la partie métadiégétique, le narrateur, lui aussi intradigégétique, nous parle du processus d’écriture d’un roman policier qui sera plutôt un antiroman, à cause de la rupture des règles formelles du genre policier : le héros est emprisonné, les pistes sont irrésolubles, la mission assignée reste inachevée…

De cette façon, Hubert Aquin établit une relation entre son roman et la société québécoise. On peut parler du titre de Prochain épisode, dans trois sens différents. Premièrement, au plan littéraire, ce roman constitue un « prochain épisode » du fait qu’il ouvre une nouvelle voie dans l’histoire littéraire québécoise avec la modernisation du genre romanesque. Deuxièmement, au plan diégétique, le protagoniste du récit (qui devient narrateur infrascient) découvre les faits à fur et à mesure que l’intrigue se développe. Chaque ligne devient ainsi un « prochain épisode » pour le héros. Finalement, au plan politique, la révolution échouée proposée par l’auteur dans ce roman ouvre aussi la voie à un « prochain épisode », voire, à une révolution qui mène définitivement le Québec à son indépendance du Canada.

Les éléments les plus remarquables de la biographie de l’écrivain québécois Hubert Aquin, s'inscrivent donc dans son roman Prochain épisode, publié en 1965. Le passage de l’« autofiction » à l’« espace autobiographique » nous a permis de souligner des éléments qui, par leur caractérisation et disposition, auraient resté cachés dans notre analyse. La littérature de la période des années 1960 au Québec, qui coïncide avec la Révolution tranquille, reste très proche de la société qui l’engendre, et donc, de ses créateurs. Dissocier l’œuvre de l’écrivain, pour ces textes, est quelque chose de compliqué. Nous avons vu comment l’esprit d’Hubert Aquin se trouve dans son roman : ses pensées, ses idéaux, la façon dont il conçoit la libération du peuple québécois, ses rapports avec sa terre natale… Ces thèmes font partie de l’être aquinien, et ils peuvent se retrouver disséminés à travers tous ses romans et essais. Un autre élément est l’imbrication formelle du roman dans la conception littéraire de l’écrivain lui-même. À travers la mise en abyme, Aquin peut jouer au cache-cache avec son lecteur : lui proposer une situation fictive, avec une fin ouverte, dont le récit complète la structure narrative du roman. Enfin, connaître l’écrivain à travers son œuvre est très difficile. Pourtant, il reste évident qu’une partie d’Aquin, au moins, peut être retracée grâce à son roman Prochain épisode.